L’hebdomadaire Spiegel reste
un des grands médias de référence en Allemagne et en Europe, même si c’est la
Bildzeitung qui trône en tête des tirages. Pour continuer à survivre, le
Spiegel doit-il suivre la voie des tabloïds ?
L’année dernière, le célèbre hebdomadaire allemand Der Spiegel n’avait pas manqué de rappeler la fameuse « Affaire Spiegel » qui avait eu lieu cinquante auparavant. L’année 1962 avait en effet vu la confrontation entre le titre au cadre rouge et le gouvernement de Konrad Adenauer.
L’arrestation des cadres du magazine après un article critique avait fini à l’époque par entraîner la chute du ministre de la défense et l’affaiblissement du chancelier. Le Spiegel a profité de cet anniversaire pour rappeler comment son travail d’investigation pouvait aller jusqu’à faire trembler un gouvernement. Pourtant, comme nombre de ses confrères, le célèbre magazine doit aussi faire face à une crise du tirage. Le Spiegel plafonne aux alentours des 900 000 exemplaires, 15% de moins qu’il y a quinze ans. Plusieurs questions existentielles se posent donc pour le magazine.
Pour preuve, le départ
récent des deux rédacteurs en chef du journal, sur fond de débats concernant
les relations entre les rédactions en ligne et papier ainsi que la mise en
place de contenus payants sur le site. Une affaire reprise par la Bild-Zeitung,
le grand leader des tirages européens avec pas moins de 3 millions
d’exemplaires par jour. Un chiffre imposant qui permet à la Bild-Zeitung de se
voir comme le porte-voix de l’opinion. Et de pouvoir jouer son rôle sur la
scène politique. Car le quotidien a encore récemment joué un rôle prépondérant
dans la démission du président de la République Christian Wulff. Celui-ci
tentant également, en vain, de retarder la publication d’un article le
concernant en appelant directement Kai Diekmann, rédacteur en chef, en décembre
2011. Chacun dans leurs catégories, et avec leurs publics différenciés, les
deux titres ont toujours assez de pouvoir pour influer – dans les deux sens - sur
la côte de popularité de personnalités politiques, comme cela a été le cas du
très médiatique Karl-Theodor zu Guttenberg (« Die fabelhaften
Guttenbergs ») ou plus récemment du candidat SPD Peer Steinbrück ( Du
titre « Er kann es » à celui moins flatteur de « Der
Patient »).
Pour les deux
journaux, chacun dans leurs catégories, les défis sont nombreux. Alors que Kai
Diekmann cherche l’inspiration en personne du côté de la Silicon Valley, le Spiegel
pourrait-il être attiré aussi par les contenus tabloïds pour garder ses
électeurs ? « Le terme de « tabloidisation »
existe dans l’étude des médias, explique Edda Humprecht, spécialiste de
l’étude comparative des médias à l’université de Zurich. Il y a des concepts qui sont
clairement définis et mesurables comme la personnalisation des articles
politiques, l’accent sur l’émotion ou sur les scandales. Ou un journal
préfèrera-t-il l’investigation, les informations de fond, prendre contact avec
toutes les parties concernées, etc. » A ce petit jeu-là, le
magazine Spiegel continue à très bien s’en sortir « Dans une étude de comparaison
internationale des médias menée entre autres par notre université depuis les
années 70, le Spiegel continue clairement à faire partie des magazines sobres
et factuels. A la différence de l’Italie ou de la France par exemple qui ont
une autre culture du journalisme, où les articles d’opinion ont une place bien
plus importante et où, les concepts évoqués comme l’émotion, sont plus
développés ».
Indéniablement, l’interaction entre les journaux papier et Internet est l’un des principaux défis pour la Bild-Zeitung comme pour le Spiegel. Ce dernier avait en effet investi très tôt dans une rédaction en ligne indépendante, devenue rapidement une source incontournable sur le Net. Aujourd’hui, le titre se retrouve donc devant un défi quotidien de taille pour concilier son illustre passé et les actuelles exigences de consommation d’information : « Au premier abord, les lecteurs ont le réflexe de penser que s’il y a plus de photos ou plus de vidéos, on s’éloigne du journalisme de qualité. Et évidemment, Internet offre plus de place. Cela veut dire forcément plus de place pour le divertissement. Mais nous avons fait une étude sur quelques grands sites d’informations comme Spiegel Online, Bild, FAZ, Die Welt, ARD, etc. et Spiegel Online est très bien placé au regard des critères de qualité du journalisme. Même s’il est clair que la chaîne publique ARD a une offre de qualité exceptionnelle ».
Auteur : Sébastien Vannier
Dossier réalisé par : Romy Straßenburg
Dossier réalisé par : Romy Straßenburg
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